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Pourquoi les collectivités locales investissent dans la course au large

Le modèle économique des épreuves de voile en France repose sur un financement mixte, où, en plus des sponsors privés, le soutien des collectivités locales est majeur. Des investissements aux enjeux multiples.

La Route du Rhum – Destination Guadeloupe s’annonce comme le moment fort de la saison 2022 de course au large, avec plus de 120 bateaux au départ et plus d’un million de personnes attendues le long des remparts de Saint-Malo. L’épreuve, comme toutes les grandes courses au large en France, est financée par des partenaires privés et des collectivités : la Guadeloupe est ainsi partenaire majeur exclusif depuis 2018 (moyennant 1,5 million d’euros sur la dernière édition), ce qui lui permet d’en avoir le « naming ».

L’édition 2022 est attendue avec impatience par Ary Chalus, le président d’une Région Guadeloupe dont le secteur touristique a été fortement touché par la crise sanitaire : “Nous le savons tous, la crise sanitaire a lourdement impacté nos habitudes de vie, tout comme la vie de nos entreprises. Quoi de mieux que la Route du Rhum – Destination Guadeloupe 2022 pour nous permettre de re-dynamiser l’activité et donner de la visibilité à l’ensemble du tissu entrepreneurial. Nous abordons cette édition comme un catalyseur d’énergie et d’opportunités pour gonfler les voiles de la relance économique et touristique.”

La Guadeloupe, en tant que territoire d’arrivée, fait également partie des partenaires principaux, au même titre que la ville de Saint-Malo ou de la Région Bretagne, et, pour ce qui est des entreprises privées, du CIC. Pour la Bretagne, la question d’un tel partenariat relève de l’évidence, comme le confie son vice-président chargé du sport, de la jeunesse et de la vie associative, Pierre Pouliquen : “La voile est dans l’ADN des Bretons, c’est donc normal que la région s’y associe. Avec la volonté forte que cette épreuve soit une manifestation populaire, dans le sens où on veut permettre au plus grand nombre d’accéder aux bateaux et aux marins. Un tel événement est aussi l’occasion de mettre en lumière le savoir-faire breton en matière de conception et de construction de bateaux de course, il y a une véritable filière qu’on veut valoriser.”

Partenaire d’autres courses, comme le prochain Tour du Monde Ultim en solitaire en 2023, La Solitaire du Figaro ou la Transat en Double – Concarneau – Saint-Barthélemy, la région dépense en moyenne “entre 1,1 et 1,6 million par an” dans la course au large, selon l’élu, dont “246 000 euros sur la Route du Rhum – Destination Guadeloupe.” Une subvention à laquelle elle ajoute, en tant que propriétaire des ports, la mise à disposition du port de Saint-Malo, ce qui reviendrait en plus à un ticket de 600 000 euros s’il fallait louer toutes les infrastructures.”
Si l’engagement de la Bretagne – qui cofinance également le dispositif Bretagne-Crédit Mutuel de Bretagne sur le circuit Figaro Beneteau – remonte à plusieurs décennies, celui de la Normandie est plus récent. Mais depuis cinq ans, cette dernière met les bouchées doubles : elle s’est engagée auprès de la Transat Jacques Vabre en 2017, soutient la Drheam-Cup et le Fastnet – qui, depuis la dernière édition, arrive à Cherbourg – tout en accompagnant également un skipper en Figaro Beneteau 3 (Guillaume Pirouelle en 2022).

“En 2015, avec le président Hervé Morin, en campagne électorale sur le village de la Transat Jacques Vabre, nous avions été stupéfaits de constater qu’il n’y avait pas un stand de la région alors que la manifestation avait lieu depuis plus de vingt ans au Havre, explique Marie-Agnès Poussier-Winsback, vice-présidente en charge du tourisme, de l’attractivité et du nautisme. Trop longtemps, nous avions tourné le dos à la mer alors que nous avons 630 kilomètres de côtes, de super ports et plans d’eau, des marins reconnus, la capacité à accueillir du public… On avait un peu de complexes par rapport à certains voisins. Aujourd’hui, c’est fini et on a envie de s’investir dans le nautisme et dans la voile.” Résultat : venue “pour voir” en 2017 sur la Jacques Vabre, moyennant une subvention de 80 000 euros, la Normandie a intégré l’association organisatrice deux ans plus tard et a versé une aide directe de 310 000 euros sur la dernière édition.

C’est cette même logique de valorisation du patrimoine maritime qui a poussé, à l’issue de l’édition 2020, la Loire-Atlantique à s’engager pour six éditions comme partenaire majeur de La Solitaire du Figaro. “Le département bénéficie d’une situation exceptionnelle grâce à sa façade littorale ouverte sur le monde et il y a une vraie dynamique nautique sur nos côtes, avec plus de 30 clubs de voile et de nombreux sportifs de haut niveau, notamment la championne du monde d’Optimist, Lomane Valade, confirme Louise Pahun, vice-présidente du conseil départemental, chargée des sports solidaires et responsables. Le fait d’accueillir chaque année le départ et l’arrivée de La Solitaire du Figaro ne peut que les encourager à continuer ou susciter de nouvelles vocations.”

Le département profite aussi de la venue de la Solitaire du Figaro pour faire passer des messages, avec, par exemple, l’organisation en 2021 d’une table ronde sur le devoir d’éco-responsabilité de la course au large. “C’est important d’aborder ces thématiques lors d’un événement de cette envergure, cela permet de donner une nouvelle ambition à la course et de sensibiliser le public aux défis environnementaux”, poursuit l’élue. Le montant de l’investissement de la Loire-Atlantique ? “On est membre d’un groupement de collectivités qui finance la course à la hauteur d’un million d’euros, dont le département prend en charge à peu près la moitié.”

Pour toutes ces collectivités, le retour sur investissement est très concret. “On bénéficie de la large couverture médiatique qu’offrent ces courses, que ce soit au niveau local, national et international, confirme Pierre Pouliquen à la Région Bretagne. Et pour les territoires qui les reçoivent, c’est de l’animation et des retombées économiques qui peuvent être très importantes : pour Saint-Malo qui a accueilli 1,3 million de visiteurs sur le village de la Route du Rhum – Destination Guadeloupe en 2018, c’est exceptionnel.”

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